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Le Québec renforce la protection de ses terres agricoles

Face à la menace grandissante contre les domaines agricoles, les autorités québécoises pensent à adopter de nouvelles mesures de protection. Disposant de très bonnes terres pour l’agriculture, le Québec est confronté à une avancée rapide dans le secteur de l’urbanisme et de l’habitat. Le cabinet du ministère de l’Agriculture et celui des représentants de la Commission de protection du territoire agricole ont tenu des discussions pour trouver un moyen de préserver les terres agricoles de qualité tout en développant la filière serricole.

Le gouvernement souhaite doubler les superficies de terres pour les fruits et les légumes de serre selon la stratégie publiée en 2021, et ce dans les cinq prochaines années. La vision reste clairement affichée et l’enjeu est tout aussi de taille. Au Ministère de l’Agriculture, on envisage toutes les possibilités face aux différents systèmes agricoles. Doit-on banaliser la progression des serres ou des fermes verticales développées en terres agricoles ? Est-il possible que cela se fasse en fonction de la qualité des terres où un projet veut s’implanter ? Ce sont autres des questions qui se posent. L’ensemble de ces débats sont aujourd’hui suscités par l’implantation d’une ferme verticale à Longueuil sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent, face à Montréal. Propriété de l’entreprise ontarienne GoodLeaf, dont le principal actionnaire est le géant de l’alimentation McCain, cette ferme fait partie d’un grand complexe agricole constitué également d’aire de stationnements et d’espace de manutention pour les camions. Les installations de GoodLeaf grugent 12 hectares d’excellentes terres agricoles. D’où l’importance des discussions sur la nécessité de protection.

A Longueuil et dans les milieux sociopolitiques québécois, ces pertes de terres, estime-t-on, ont suscité de vives réactions. D’autant plus que pour les acquérir, la presse révélait que les dirigeants de GoodLeaf ont créé une compagnie à numéro québécois, dirigée et financée depuis l’extérieur de la province,

alors qu’il est interdit à ce type de compagnies d’acheter en zone agricole. Dans une vive réaction, le Directeur Général de l’Union des Producteurs Agricoles (UPA) de la province s’est insurgé contre les conditions d’acquisition peu catholiques et le gaspillage considérable de terres pour des fins outre que la production agricole. « On ne peut tout simplement pas se permettre de gaspiller des terres agricoles, tranche. C’est une bonne chose qu’il y ait des réflexions. Au Québec, on a environ 2,2 millions d’hectares en culture, ce qui représente moins de 2 % du territoire québécois. On doit tout faire pour protéger les bonnes terres agricoles. Plus que jamais, la terre, on va en avoir besoin pour nourrir le monde dans les années à venir » fustige Charles-Félix Ross.

A la différence du modèle de GoodLeaf, le Directeur Général de l’UPA estime une cohabitation entre l’agriculture traditionnelle et le développement de la filière serricole à travers des avenues. « Pourquoi ne donnerait-on pas aux serres qui s’installent en zone blanche, hors zone agricole, les mêmes avantages financiers qu’en zone agricole ? La question mérite d’être explorée, parce qu’à part le coût du terrain [qui est plus élevé en zone industrielle, NDLR], ça réduirait les autres incitatifs qui les poussent à s’installer en territoire agricole » enchaine-t-il. Michel Saint-Pierre abondait dans le même sens lors d’une récente entrevue. Le coprésident de l’Institut Jean-Garon, un groupe de réflexion québécois spécialisé en agriculture, soutenait déjà que la filière serricole devrait occuper les terres les moins performantes à l’agriculture, mais surtout inoccupées. Selon les estimations de l’Institut Jean-Garon, 40 % du territoire agricole protégé n’est pas exploité et des pans complets de régions sont en voie d’être désertés par leur agriculteurs.

À noter qu’au Québec, le prix des terres agricoles s’est révélé moins élevé que celui en zone industrielle. Le prix au m2 des terres était 10 fois moins cher à Longueuil (5,82 $/m2) qu’à Saint-Bruno (53,81 $/m2). Good Leaf a acheté 38 hectares de terres agricoles à Longueuil pour 2,21 millions de dollars, non loin de l’aéroport Saint-Hubert.

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